L’indonésien (bahasa Indonesia, littéralement « langue de l’Indonésie ») est la langue officielle de l’Indonésie. C’est aussi l’une des langues d’usage dans la République du Timor oriental.
L’indonésien est une des formes du malais (bahasa Melayu). Pour une majorité d’Indonésiens, ce n’est pas leur langue maternelle. Ils ne l’apprennent à l’école que vers l’âge de cinq ans. Le malais est toutefois la langue régionale (bahasa daerah) de la côte est de l’île de Sumatra, plus précisément de la bande côtière orientale de la province de Sumatra du Nord et des provinces de Riau, îles Riau, Jambi et Sumatra du Sud, et de la bande côtière des provinces de Kalimantan occidental, Kalimantan du Sud et Kalimantan oriental dans l’île de Bornéo. Le nombre de locuteurs est estimé à 225 millions.
Je suis allée 5 ou 6 fois en Indonésie entre 1980 et 1990. Le voyage m’avait semblé interminable, jusqu’au moment où j’ai atterri sur cet archipel du bout du monde. De ses 17 000 îles, qui s’étendent à perte de vue du ciel, je n’ai découvert que quelques îles, les plus connues : Les Célèbes, Java, Sumatra et Bali. Tous les lieux où je suis allée m’ont fasciné. Aux Célèbes, partir à la découverte du pays Toraja, a été une vraie aventure. L’originalité de cette micro société est déroutante à plus d’un titre : l’élégance de l’architecture des « tongkonan » – les maisons peintes de villages avec leurs toits incurvés qui évoquent probablement les cornes de buffles, un animal sacré chez les Toraja – leur organisation et surtout leur étonnante tradition funéraire. Cette tribu unique enterre ses morts dans des falaises où devant chaque tombe se trouve un balcon où sont disposées des figurines en bois à l’effigie des morts. Subjuguée et intriguée par ces coutumes, j’avais eu envie à l’époque d’écrire un livre sur les rites funéraires que j’avais pu observer aux quatre coins du monde, un projet qui malheureusement ne s’est pas concrétisé.
Un autre choc m’attendait à Java, au cœur de la vallée de Kedu avec en toile de fond le volcan Merapi. Soudain au détour d’une route j’ai vu surgir l’imposante silhouette du temple de Borobudur, hérissée de 72 stupas ajourés qui abritent une mystérieuse statue de Bouddha. Borobudur (VIIIè-IX siècle, l’un des plus grands temples bouddhistes du monde, dont la conception se rattache à l’univers de la cosmologie bouddhiste, et Prambanam (Xè siècle), le plus grand temple hindou d’Indonésie, où les bas-reliefs illustrent l’épopée du Ramayana, sont classés au patrimoine mondial de l’Unesco. À Bali, enfin, j’étais bien sûr troublée de découvrir cette « île des Dieux », l’une des plus petites îles de l’archipel de la Sonde, si différente du reste de l’Indonésie. Marquée par l’hindouisme, sa population vit au rythme de rituels immuables qui gardent toujours une part de mystère et de magie. L’art est omniprésent dans la vie de tous les jours, que ce soit à travers le théâtre d’ombres, la danse, les arts du textile, la musique etc. Les Balinais ont su créer une harmonie dans leur quotidien, un raffinement dans la gestuelle de tous les jours, dans l’organisation et le déroulement des cérémonies de mariage, de crémation, des fêtes, des processions… Et tous ces petits signes qui ponctuent la vie comme les offrandes placées près d’un arbre, d’une rivière ou à l’intersection d’un carrefour pour apaiser les mauvais esprits. Les couleurs éclatantes des sarongs, les fleurs de frangipaniers qui ornent les tiares des danseuses, les rizières qui scintillent au soleil, apportent une grande poésie à ces instants partagés.
J’ai bien sûr le regret de ne pas être allée à Bornéo, voir les derniers orangs-outans de la planète, dans la réserve de Tangkoko, pour surprendre le vol d’oiseaux rares, au lac Toba sur les traces des Bataks… La liste pourrait encore être longue ! Mais faut-il vouloir tout découvrir ? Je sais par expérience qu’il faut mieux s’imprégner d’un lieu plutôt que de passer comme une comète dans chacun d’entre eux. Le voyage, dans ce cas, a une autre résonnance, une autre profondeur.
CINÉMA
Si le cinéma débute dès 1926 en Indonésie (appelée Indes Néerlandaises à l’époque coloniale), avec des réalisateurs néerlandais et cela jusqu’en 1950, ce sont surtout des Chinois qui sont à l’origine de ces films (les frères Wong, les frères Tan et les frères The). Après l’indépendance le cinéma est lié aux soubresauts de l’histoire du pays et c’est seulement dans les années 70-80 que le cinéma indonésien connaît son âge d’or. En 1999 ce sont deux femmes qui fondent le JIFFEST (Festival International du Film de Jakarta)
RENTJONK ATJÉH (LE POIGNARD D’ATJÉH)
LES FRÈRES THE (1940)
Ferry Kok, Moh Mochtar, Hadidjah, Bisoe et la danseuse Dewi Mada
L’histoire se déroule à une époque où les pirates sèment la terreur dans le détroit de Malaka. Le pirate Bintara tombe amoureux de Marjam, la fille d’une de ses captives, et l’enlève. Ali réussit à la délivrer et à tuer Bintara avec son fameux rentjong (poignard)
ALANG-ALANG (LES HAUTES HERBES)
LES FRÈRES THE (1940)
Moh Mochtar, Hadidjah, Bissoe
Nous sommes à Sumatra au cœur d’une plantation de cocotiers. Soehijat, le directeur de la plantation, jette son dévolu sur la belle Soerati, mais Rasmin, jalouse, souhaite s’attirer les faveurs de Soehijat. Sans le moindre scrupule elle paie Rainan, pour qu’il la débarrasse de la jeune femme. Soereti, se sentant en danger, s’enfuit dans la forêt, disons plutôt la jungle indonésienne, où elle arrive à se faire obéir des animaux sauvages. Soehijat part à sa recherche et, après de multiples aventures, il finit par la retrouver.
NJAI DASIMA VERSI MODERNA (HISTOIRES D’AMOUR INDONÉSIENNES)
LES FRÈRES THE (1940)
Moh Mochtar, Soekarti (Njai Dasima)
Cette histoire populaire a fait l’objet de plusieurs films. Le premier, un film muet tourné en 1929, traite pour la première fois d’un sujet indonésien avec des acteurs indonésiens. Il raconte l’histoire d’une pauvre njai – qui à l’époque des Indes Néerlandaises signifiait une servante devenue la maîtresse, parfois la femme, de son maître et toujours sa subordonnée – abandonnée par son mari hollandais et tuée par un affreux indonésien pour s’approprier sa fortune. Il y aura une première suite (1930) puis une deuxième La Vengeance de Nancy, cette dernière étant la fille de Njai Dasima, désireuse de venger la mort de sa mère. Un remake de cette histoire a été tourné en 1970.
ANANDA
USMAR ISMAIL (1970)
Rachmat Hidajat, Mieke Widjaja (la belle-mère), Lenny Marlina (Irma)
Irma va de déboires en déboires. Elle a grandi dans un petit village où elle vit avec sa belle-mère, qui ne lui témoigne aucune affection. Déshonorée par Rachim, elle est chassée de chez elle et débarque à Djakarta, nullement préparée à affronter tous les mirages de la capitale. Elle mène une vie bohème, se lie à une bande de hippies et tombe amoureuse de Basuki. Ce dernier vend son scooter pour louer une maison pour elle. Mais la bande s’y retrouve et se laisse aller à de joyeux débordements : la police intervient et tout le monde est arrêté. Irma qui, désormais a décidé de s’appeler Ananda, est libérée grâce à Halim, un journaliste avec lequel elle va tenter de vivre une vie plus sage… Mais Azam cherche à la séduire et elle finit par céder aux avances de cet homme riche et marié. Il l’épouse mais quelques temps plus tard on la retrouve agonisante, frappée d’un coup de kriss (poignard) qui appartenait à son grand-père. Qui a tué Ananda ? A-t-elle voulu mettre fin à ses jours ? Le cinéaste aborde ici un fait divers fréquent, celui d’une villageoise qui part à la capitale dans l’espoir d’un avenir meilleur, mais où le bonheur est rarement au rendez-vous. Dernier film du grand cinéaste indonésien.
PENGANTIN REMADJA (LOVE STORY, JEUNES MARIÉS)
WIM UMBOH (1971)
Premier prix au Festival de Taipeh – Widyawati, Sophan Sophiaan, W.D Mochtar, Fifi Young, Aedy Moward, Ismed M. Noor
C’est l’histoire d’un amour impossible et tragique entre le fils d’un ambassadeur et la fille d’un paysan illettré qui a néanmoins réussit dans la vie, il possède un ranch où il élève des chevaux. Les deux jeunes gens se sont connus au lycée et dès cette époque commence leur romance. Le père du jeune homme est formellement opposé à leur mariage, ils se voient en cachette et partagent des instants de grand bonheur. Mais cette félicité va s’assombrir quand elle ressent des douleurs et apprend qu’elle est atteinte d’une leucémie. Elle meurt et son fiancé, de désespoir, décide de ne plus contrôler sa voiture sur la route…
DJAKA KENDIL (LE GARS TÊTE-MARMITE)
KURNAIM SUHARDIMAN et SUJADI (1971, noir et blanc, film de marionnettes)
Ce film fait référence à une vieille légende javanaise. Il s’agit de l’incroyable histoire de Djaka Kendil (dont la tête à la forme d’un kendil, c’est-à-dire d’une marmite à riz) qui réussit à séduire et à épouser une ravissante princesse et finit par se transformer en un beau prince charmant.
CINTA PERTAMA (FIRST LOVE)
TEGUH KARYA (1973)
5 Citras Awards (Oscars indonésiens) – Christine Hakim (Ade), Slamet Rahardjo (Bastian), N. Riantiarno (Johnny)
Ce film a lancé la carrière de la grande actrice indonésienne Christine Hakim, qui formera un couple célèbre dans plusieurs films avec Slamet Rahardjo. Ade est amoureuse de Bastian qui a fait de la prison. Johnny veut l’épouser, la jalousie et les fausses rumeurs vont apporter un dénouement tragique à leur histoire.
BEHIND THE MOSQUITO NET (DERRIÈRE LA MOUSTIQUAIRE)
TEGUH KARYA (1983)
Christine Hakim (Nurlela), Slamet Rahardjo (Hasan), Nungki Kusumastuti, Mamli Sitompul (Abah)
Hasan et Nurlela forment un jeune couple qui aimerait pouvoir vivre seuls, mais leur situation financière les oblige à vivre dans la famille de la jeune femme. Rapidement des tensions créent un malaise et le beau père prend un malin plaisir à rabaisser son gendre aux yeux de sa fille. Quand il perd son travail, il devient chauffeur de taxi pour essayer de joindre les deux bouts. Mais à partir du moment où le beau père jette le doute sur la fidélité de son gendre, la relation du couple se dégrade et il lui demande de divorcer.
SECANGKIR KOPI PAHIT (CAFÉ AMER)
TEGUH KARYA (1985)
Rina Hasim, Alex Komang, Dewi Yul, Ray Sahetapy, Sylvia Widiantono
Togar, né au Nord de Sumatra, part étudier à Djakarta où ses parents espèrent qu’il deviendra économiste. Pour financer ses études il travaille dans une cimenterie, mais en réalité c’est le journalisme qui l’attire. Il arrête de travailler, commence à écrire des articles et s’intéresse à l’histoire de Karsih, une jeune femme prise dans une spirale infernale alors qu’elle cherchait du travail. Accusé de l’avoir aidé à s’enfuir, Togar est emprisonné et dans un même temps il apprend que Lola, sa maîtresse, est enceinte. Il décide de l’épouser, mais quand à sa sortie de prison il retourne dans son village pour l’enterrement de son père, les choses ne sont pas simples. Togar, arrivera-t-il à trouver le bonheur avec Lola ?
CINTA DALAM SEPOTONG ROTI (L’AMOUR DANS UNE TRANCHE DE PAIN)
GARIN NUGROHO (1991)
Meilleur film de l’année au Festival du Film indonésien (FFI) avec 6 Citras Awards – Adjie Massaid, Monica Oemardi, Tio Pakusodewo, Rizky Teo
Histoire d’un couple, appartenant à la classe moyenne et vivant à Djakarta, de leurs amis et des relations ambigus qui peuvent naître au sein d’un groupe. Les femmes, contrairement à l’habitude, y ont une place majeure. Elles s’expriment d’une manière libre, notamment sur la sexualité, une manière pour le cinéaste de faire évoluer les tabous.
CA BAU KAN (LA COURTISANE)
NIA DINATA (2001)
Kalyana Shira, Ferry Salim, Lola Amaria, Niniek L. Karim
Ce premier long-métrage de Nia Dinata, consacré à la communauté chinoise vivant en Indonésie pendant la période de l’aprés-réforme, a été sélectionné pour représenter l’Indonésie aux Oscars de 2011. Le film présente une histoire d’amour interethnique, entre un Chinois et une Indonésienne, un homme riche et une jeune femme pauvre. Mais c’est aussi l’histoire d’une courtisane au XXè siècle à travers plusieurs décennies, ce qui permet au cinéaste d’y intégrer l’histoire du pays (occupation japonaise et tentative de reconquête des Hollandais).
ADA APA DENGAN CINTA (QUE SE PASSE-T-IL AVEC CINTA ? WHAT’S UP WITH LOVE ?)
RUDIANTO SOEDJARWO (2002)
Dian Sastrowardoyo (Cinta), Nicholas Saputra (Rangga), Ladya Cheryl (Alya), Titi Kamal (Maura), Sissy Priscillia (Milly)
Rudianto Soedjarwo est surtout connu pour avoir réalisé plusieurs films consacrés aux romances de la jeunesse, Ada Apa Dengan Cinta est l’un des plus célèbres. Il relate l’histoire de jeunes gens dans le cadre d’un établissement scolaire. Cinta avec ses quatre amies forment un petit groupe de filles très soudées, elles protègent Alya, victime du caractère violent de son père. Quand Cinta participe au concours annuel de poésie, ses amies sont sûres qu’elle va le gagner. Mais non, le lauréat c’est Rangga, un jeune homme timide qu’elles ne connaissent pas. Irritée et intriguée, Cinta lit son poème et veut le rencontrer. Ils partagent le même attrait pour la littérature et une amitié secrète se noue entre eux. Rangga est attaqué par une bande de voyous et un soir Alya lance un appel désespéré à Cinta, mais elle a un rendez-vous avec Rangga et, fébrile, elle ne prends pas le temps comprendre qu’il s’agit d’un appel au secours. Quand le lendemain elle apprend qu’Alya a fait une tentative de suicide elle est affolée et sa relation avec Rangga s’en trouve affectée. Elle préfère ne plus le voir. Ne supportant pas cette mise à l’écart et profondément malheureux, Rangga décide de partir loin, à New York. Cinta se précipite à l’aéroport, soutenue par sa bande d’amies, pour aller lui dire qu’elle l’aime…
ARISAN (THE GATHERING)
NIA DINATA (2003)
Récompensé de 5 Citras
Nia Dinata, une jeune réalisatrice indonésienne défraye la chronique avec ce film dont le personnage central est un homosexuel et où les spectateurs voient le premier baiser gay du cinéma indonésien.
BERBAGI SUAMI (LOVE FOR SHARE)
NIA DINATA (2006)
Meilleur film au Festival international du film d’Hawaï
Ce film aborde un autre sujet qui fait polémique en Indonésie : la polygamie.
AYAT AYAT CINTA
HANUNG BRAMANTYO (2008)
Inspiré du best seller homonyme de l’écrivain indonésien H. Habiburrahman El Shirazy – Fedi Nuril (Fahri), Rianti R. Cartwright (Aisha), Carissa Putri (Mariah), Melanie Putria (Nurul) Zaskia Adya Mecca (Noura)
C’est une histoire d’amour islamique moderne qui explore la polygamie, tolérée mais qui fait toujours débats et est aujourd’hui globalement réprouvée. Le jeune Fahri bin Abdillah, un étudiant pauvre, musulman, croyant et idéaliste, obtient une bourse pour achever ses études supérieures au Caire à l’université d’Al Azhar. C’est un garçon timide, vertueux et studieux, qui aime étudier et traduire des livres religieux. Tout va bien, sauf la perspective d’un éventuel mariage. Fahri, esprit pur, ne s’est jamais vraiment intéressé aux filles. Seules, sa mère et sa grand-mère ont jusqu’à présent été les femmes de sa vie. Cependant en Egypte les choses changent. Il vit entouré de quatre jeunes filles très différentes qui ne tardent pas à jeter leur dévolu sur ce séduisant et énigmatique jeune homme. Mariah, la chrétienne, Nurul, la fille d’un musulman, Noura, la fille d’un voisin égyptien et Aisha, une étudiante turque pour laquelle il va éprouver des sentiments. Mais Noura, jalouse, faire courir une fausse rumeur, elle aurait été violée par Fahri. La seule personne qui peut prouver son innocence est Mariah l’une des femmes qu’il a éconduite. Aisha le supplie de prendre Mariah comme seconde épouse.
SANG PENARI (THE DANCER, LA DANSEUSE)
IFA ISFANSYA (2011)
Adapté du roman Ronggeng Dukuh Paruk de Amhad Tohari (1982) – Prisia Nasution (Srintil), Oka Antara (Rasus), Slamet Rahardjo, Dewi Irawan (Nyai kertaredja), Lukman Sardi (Bakar)
Rasus, un jeune officier, et Srintil, une ravissante danseuse, s’aiment depuis toujours et vivent dans le petit village javanais de Dukuh Paruk. Leur histoire d’amour va soudain prendre un sens tragique quand Srintil, choisit de devenir une ronggeng, une danseuse traditionnelle censée apporter paix et prospérité à son village. Selon la coutume ancestrale, une ronggeng doit aussi faire don de sa virginité au plus offrant. Rasus comprend qu’il n’y a plus de place pour lui, même si Srintil l’aime toujours. Désespéré, il quitte le village et s’engage dans l’armée, l’intrigue se déroule dans les années 60, l’une des périodes les plus sombres de l’histoire indonésienne. Ce film traite d’une tragédie historique par le biais d’une histoire d’amour, fait assez rare dans le cinéma indonésien.
CINTA TAPI BEDA
HANUNG BRAMANTYO et HESTU SAPUTRA (2012)
Agni Pratistha (Diana), Reza Nangin (Cahyo, prix Aiffa Award du meilleur acteur), Choky Sitohang (Oka), Ratu Felisha (Mitha)
Une histoire d’amour entre Diana, une jeune femme catholique originaire de Padang, la capitale de l’île de Sumatra occidentale, et Cahyo, un jeune musulman originaire de Jogjakarta. Leur appartenance à une religion différente entraîne le refus de leurs familles à leur mariage, une réaction qui les oblige à prendre de douloureuses décisions. Le cinéaste a choisi de mettre en lumière les difficultés que rencontrent les Indonésiens, issus de milieux et de religions différentes, le mariage interconfessionnel étant très mal perçu.
HABIBIE et AINUN
FAOZAN RIZAL (2012)
Inspiré du livre éponyme de Jusuf Habibie – Reza Rahadian (Habibie ou Rudy), Esa Sigit (Habibie jeune), Bunga Citra Lestari (Ainun), Marsha Natika (Ainun jeune)
Faozan Rizal fait référence ici à une importante page d’histoire de l’Indonésie incarnée par le couple Bacharuddin Jusuf Habibie et Hasri Ainun. Le jeune Habibie, dit Rudy, et Ainun se connaissent très jeunes, dès le collège, époque où leurs familles se fréquentent régulièrement. Ils se retrouvent quelques années plus tard, quand Ainun termine ses études de médecine en 1961. Ils sont amoureux, se marient en 1962 et partent vivre en Allemagne où Rudy poursuit des études d’ingénieur dans l’aéronautique. Ils ont deux enfants et Rudy rêve de revenir en Indonésie pour mettre ses connaissances au service de son pays. Si leur vie n’est pas toujours facile, la confiance et leur amour leur permettent d’avancer ensemble. À son retour, il développe une industrie aéronautique ruineuse, devient ministre sous Suharto puis 3ème président de la République d’Indonésie pour une très courte période de 16 mois. Il a cependant eu le temps de faire bouger les choses et cette époque, côté réformes institutionnelles, est considérée comme l’une des plus dynamiques de l’histoire contemporaine de l’Indonésie. Leur histoire d’amour, l’admiration que vouait Habibie à sa femme et leur parcours exceptionnel, sensibilisent encore aujourd’hui un grand nombre d’Indonésiens.
ADA APA DENGAN CINTA 2
RIRI RIZA (2016)
Nicholas Saputra (Rangga), Dian Sastrowardoyo (Cinta ou Love), Titi Kamal, Titi Kamal (Maura), Sissy Priscillia (Milly)
En 2002 le cinéaste Rudianto Soedjarwo (voir ci-dessus), relatait l’histoire de Cinta et Rangga, deux adolescents, qui se sont aimés au lycée mais, leurs premières amours contrariées, les avaient amené à se séparer. Le cinéaste Riri Riza, devant le succès de cette première romance, a décidé de créer une suite à leur histoire. Après 14 ans Cinta (Love) et Rangga sont à nouveau réunis. Vont-ils savoir saisir cette deuxième chance et pouvoir vivre leur amour ?
LITTÉRATURE
L’immensité de l’archipel indonésien (près de 2 millions de km2) a pour conséquence une grande variété de langues. Comme vous avez pu le lire en introduction à ce pays l’indonésien est l’une des formes du malais parlé sur tout le littoral de l’Indonésie. La littérature malaise classique s’est développée avant la colonisation néerlandaise de l’Indonésie et anglaise de la Malaisie (fin XIX- début XXè siècles). Cette littérature, qui n’est pas imprimée mais écrite sur du papier, est anonyme. L’Indonésie a donc une littérature ancienne dont les genres sont variés (récit épique, histoire mythique ou légendaire, recueil de coutumes…) et pour la poésie le pantun et le syair.
Lors de ma rencontre avec le directeur de l’Alliance française de Denpasar dans les années 1980, j’avais été surprise d’apprendre que la littérature indonésienne, souvent de tradition orale, remontait à plusieurs siècles et que des archives d’épopées célèbres écrites avaient survécues. En langue javanaise ce sont les épopées du royaume de Mudjapahit, qui a connu son apogée au XIV-XVè siècles, et les histoires du héros Panji Cerita Panji, Hikayat Panji, Semirang, Syair Panji Semirang. Les Balinais possèdent une œuvre célèbre, la Serat Centhini (XVIIè siècle), qui relate une incroyable épopée mystique et érotique de 200 000 vers. Il en est de même pour les Célèbes (Sulawesi) avec l’épopée de La Galigo (XIII-XIVè siècles), en langue bugis ancienne, qui regroupe environ 6000 pages de feuillets. Ce long poème épique raconte, entre autres, les amours d’un grand guerrier avec sa sœur jumelle. Cette étonnante épopée qui, selon l’Unesco, possède une grande qualité littéraire peut de par son importance : « être considérée comme l’œuvre littéraire la plus volumineuse au monde ». L’Unesco l’a d’ailleurs inscrite au Registre Mémoire du monde en 2011.
Les traducteurs ont joué un rôle important. Ce sont d’abord les Chinois installés en Indonésie qui, au fil du temps n’ayant plus l’occasion de parler leur langue maternelle, traduisent des romans chinois, des légendes merveilleuses… Au milieu du XXè siècle les traductions des romans occidentaux deviennent à la mode. Jules Verne et Alexandre Dumas, notamment Le Comte de Monte-Cristo, sont traduits en indonésien. Mais déjà depuis les années 1920 l’influence de l’Occident s’était fait sentir et pour de nombreux critiques cette période, où sont publiés les premiers romans, correspond à la naissance de la littérature indonésienne. Édités par la maison d’édition néerlandaise Balai Pustaka, fondée en 1908, les sujets traités se rattachent le plus souvent au mariage forcé, aux conflits de générations, aux problèmes ethniques ou sociaux liés principalement au poids des traditions. Après 1950, une nouvelle génération d’écrivains rejette l’influence occidentale et défend l’identité nationale dans la culture, l’art etc. Rapidement cette initiative est muselée par le régime de Soekarno puis de Soeharto pendant une longue période de dictature (32 ans). Après sa chute (1998) plusieurs écrivains prennent la relève des auteurs engagés des années 1960. On assiste à une plus grande liberté de ton dans les sujets comme la religion, la sexualité, les traditions, mais aussi la politique. De nombreuses voix de femmes, journalistes et écrivains, se font également entendre pour la défense des minorités, l’accès à l’éducation, à la liberté d’expression…
ROMAN
Sang et Volupté
VICKI BAUM (1937, éd. 10-18, 2001)
Je commence par vous présenter ce livre pour deux raisons. C’est le premier roman que j’ai lu sur l’Indonésie il y a une trentaine d’années, déjà, et sa lecture m’avait particulièrement marqué. À l’époque de mes voyages en Indonésie (1980-1990), Sang et Volupté était le livre de référence pour préparer son voyage. Il est, je crois, toujours conseillé aujourd’hui. L’origine de ce roman a une curieuse histoire qui mérite d’être contée. Vicki Baum, harpiste autrichienne, s’installe à Berlin avec son mari le chef-d’orchestre Richard Lert. Elle abandonne la musique pour l’écriture et se fait connaître avec la publication de Grand Hôtel (1929), un succès international, dont l’adaptation au théâtre puis au cinéma l’amène à Hollywood et à s’installer aux Etats-Unis en 1932. En 1938 elle acquiert la nationalité américaine et continue à écrire en anglais.
En 1916, elle avait eu l’occasion de voir fortuitement un ensemble de photos réalisées par le Dr Fabius, un médecin hollandais qui exerçait à Bali. Fascinée par ces archives elle décide, en 1935, de se rendre à Bali pour rencontrer l’auteur de ces photos. À sa mort le Dr Fabius, qui avait côtoyé pendant des décennies la population dont il connaissait toutes les traditions et tous les secrets, lui lègue « un amusant coffret japonais en métal » rempli de manuscrits personnels. Vicki Baum, émue, se passionne pour cet héritage précieux et décide d’en extraire tout ce qui lui semble important pour en faire un roman. Bien sûr, de nombreuses choses ont changé depuis plus d’un siècle, mais beaucoup de coutumes ancestrales perdurent et restent encore aujourd’hui l’un des grands attraits de Bali.
Au fil des pages, où fourmillent mille et un détails qui évoquent la vie balinaise des années 1900-1930, on suit l’histoire du prince Alit, de sa favorite Lambon et de Raka, le meilleur ami du prince. Raka est amoureux de Lambon, qui est loin d’être indifférente à lui. Raka va-t-il trahir son ami Alit et continuer à la séduire ou se résigner ? Raka et Lambon s’aiment et se retrouvent dans un lieu perdu et secret. Raka, pour avoir trahit cette amitié, est terrassé par une punition divine. Atteint de la lèpre, il est désormais « impur » et dans l’obligation de s’exiler. Alit et Raka se retrouveront plus tard, pour mourir en héros, face aux Hollandais. En effet, le roman ne traite pas seulement de l’amour tragique entre Lambon et Raka, il relate des faits historiques qui se sont déroulés en 1905. Les Hollandais, prenant pour prétexte le pillage d’épaves par les Balinais, lancent une offensive terrestre et navale sur Bali et attaquent le royaume de Badung, au sud de l’île. Quand le prince comprend qu’ils vont devenir les maîtres de l’île, il sort de son palais, suivi de ses sujets et de nombreux habitants. À la tête d’une procession silencieuse il avance et, tous vêtus de leur tenue d’apparat et armés de leur kriss (poignard), ils commencent par se battre. Devant les armes sophistiquées de l’assaillant, ils se sentent d’avance vaincus et se donnent eux-mêmes la mort, y compris les femmes et les enfants. C’est ce que les Balinais appellent le « putupan », un suicide collectif pour l’honneur.
Belenggoe ou Belenggu (Chaînes)
ARMIJN PANÉ (1938)
Armin Pané (1908-1970), après avoir été professeur au Taman Siswa de Kediri, Malang et Jakarta, se consacre entièrement à des activités littéraires et journalistiques. En 1933, il fonde, avec Takdir Alisjahbana et Amir Hamzah, la revue Pujangga Baru, qui va attirer toute une génération d’écrivains. À partir de 1936 il devient rédacteur dans la célèbre maison d’édition Balai Pustaka. Il est l’auteur de poèmes Jiwa berjiwa (1939), Gamelan Jiwa (1960), d’un recueil de nouvelles Kisah antara manusia (Histoires entre les hommes, 1953), de pièces de théâtre Jinak-jinak merpati (1953) et d’un roman célèbre Chaînes (1940), considéré comme le meilleur roman écrit pendant la période hollandaise. Il a cependant reçu de vives critiques et connu des difficultés pour être publié. Le thème de l’adultère abordé dans ce livre, une « situation jugée scandaleuse », en fait un roman de mœurs qualifié de « pornographique » à l’époque. Il a d’abord paru dans la presse en 1940, puis le succès venant il a été traduit dans plusieurs langues.
L’ouvrage relate l’histoire d’un couple qui se désagrège. Sukartono, un médecin très occupé, a peu de temps à consacrer à sa femme Tini qu’il délaisse peu à peu. Il retrouve une amie d’enfance, elle va ensoleiller sa vie, lui apporter la tendresse et l’amour qu’il ne trouve plus auprès de sa femme. Mais sa maîtresse se rend compte qu’ils ne formeront probablement jamais un vrai couple, tant les « chaînes » du passé, des souvenirs, sont difficiles à rompre. Ce roman, considéré comme le premier roman psychologique indonésien, a connu un immense succès. Les relations sentimentales complexes du couple y sont abordées avec lucidité et délicatesse.
Layar terkembang (Voiles déployées)
SUTAN TAKDIR ALISJAHBANA (1936)
Sutan Takdir Alisjahbana (1908-1994), qui a reçu une éducation hollandaise, écrit son premier roman Tak putus dirundung malang (Accablés par le sort) à l’âge de 20 ans. En 1933, il fonde avec ses amis poètes la revue Poedjangga Baroe (Le Nouveau poète) qui deviendra un creuset de la jeune littérature indonésienne. En tant que linguiste, il s’intéresse aux problèmes de la langue indonésienne pour lui donner un statut national. Tuti et Maria, deux sœurs, sont éprises de Jusuf, un étudiant en médecine. L’aînée, Tuti, une intellectuelle, adhère au mouvement de la libération de la femme, tandis que pour Maria, enjouée et insouciante, la conscience sociale ne semble pas avoir de prise sur elle. Quant à Jusuf, c’est Maria qu’il aime mais très vite cet amour s’assombrit, quand elle est atteinte d’une maladie grave. Soignée dans un sanatorium, aucun espoir de guérison ne semble possible. Agonisante, Maria exprime une dernière volonté à celui qu’elle aime, elle lui demande d’épouser sa sœur. Jusuf réalise son vœu, épouse Tuti, et l’histoire s’achève par une visite du couple sur la tombe de Maria. Pour l’écrivain Tuti représente un idéal féminin, elle croit aux valeurs du partage, à la place de la femme dans la société et dans la vie sociale.
Lettres d’une Princesse javanaise
RADEN AYU KARTINI (1911)
Ces lettres écrites en hollandais, ont été publiées à titre posthume, sous le nom Van Duisternis Tot Licht (Des ténèbres à la lumière) par J.H Abendanon, puis en 1920, par A.L Symmers sous le titre Letters of a javanese princess. Au Pays-Bas ce recueil a eu un vif succès mais l’auteur était méconnue en dehors de ce pays. Ces lettres sont adressées à Stella, son amie hollandaise, et c’est à travers cette correspondance que l’on découvre la personnalité et le combat de Kartini.
Raden Ajeng Kartini (1879-1904), était la fille de Ngasirah, première épouse issue d’une classe populaire du régent de Japara. Par son père elle appartenait à une famille d’aristocrates, un rang social auquel elle n’aimait pas faire référence. La mère de Kartini a fait couler beaucoup d’encre, laquelle des épouses du régent était sa vraie mère ? Une question qui a taraudé bien des historiographes ? Kartini et ses sœurs ont poursuivi un même idéal, s’instruire. Le 2 mai 1964, Kartini est reconnue officiellement : « héroïne de l’Indépendance nationale » et elle devient le symbole de la femme luttant pour une liberté d’expression. Elle a été pionnière pour défendre le droit des femmes, notamment dans le mariage et l’affront qu’elles subissent avec la polygamie. Dans une de ses lettres à Stella elle dit :
« Nous n’avons pas le droit d’avoir des idées. Le seul rêve qu’il nous est permis d’avoir est de devenir aujourd’hui ou demain la femme numéro tant de tel ou tel homme… Tous les musulmans n’ont heureusement pas quatre épouses, mais toute femme mariée dans notre monde sait qu’elle ne restera pas seule et qu’un jour ou l’autre son cher mari peut lui amener une compagne qui aura sur lui autant de droit qu’elle. Selon la loi musulmane, elle est aussi sa femme légitime… Elles y sont tellement habituées, qu’elles n’y trouvent rien à redire, mais cela n’empêche pas que ces femmes souffrent terriblement. Presque chaque femme que je connais ici maudit ce droit qu’on reconnaît aux hommes. Mais les malédictions ne servent à rien, il faut agir. » (Archipel 13, p. 107-108).
Son principal combat reste l’accès à l’éducation. Son père l’avait autorisé avec ses sœurs, à ouvrir des petites classes villageoises. Elle voulait partir étudier en Hollande, mais elle se marie en 1903. Veuve très jeune, elle se consacre à l’enseignement pendant des années et revendique le droit élémentaire d’être soi-même. Ces années 1900 représente un tournant de la vie coloniale et plusieurs de ses amis hollandais, principalement J.H Abendanon, l’encouragent et soutiennent ses idées. Par ses positions, dénonçant la situation inférieure des femmes, elle a participé à l’éveil d’une conscience chez un bon nombre d’intellectuels indonésiens.
Gadais Pantai (La Fille du rivage)
PRAMOEDYA ANANTA TOER (1965, éd. Gallimard 2004, collection du Monde Entier)
Pramoedya Ananta Toer (1925-2006) est reconnu comme l’un des plus grands écrivains indonésiens contemporains. C’est en prison (1947 à 1949), sous les autorités coloniales, que « Pram », comme on avait coutume de l’appeler, commence à écrire ses premiers textes. Dans les années 1950 il soutient la politique anticoloniale de Sukarno, puis le changement brutal de régime le renvoi sous les verrous pendant 14 ans (1965-1979). Détenu dans un premier temps à Java, il est ensuite envoyé dans l’île de Buru et soumis aux travaux forcés. De longues années d’épreuves dont il ne sortira vraiment qu’à la chute de Soeharto où il recouvre sa liberté d’expression. La fiction lui a permis d’évoquer l’histoire contemporaine de l’Indonésie. Il est l’auteur d’une cinquantaine d’œuvres, romans et nouvelles, traduits dans de nombreuses langues, mais rares sont encore ceux traduits en français.
Son roman La fille du rivage, un jolie nom pour une triste histoire, raconte la vie d’une toute jeune fille de pêcheur, mariée à quatorze ans à Bendoro, un jeune aristocrate séduit par sa beauté. Ses parents pensent qu’elle sera heureuse dans un milieu noble qui la fera vivre dans de meilleures conditions. Nous sommes au début du XIXè siècle, époque où les traditions ancestrales, voire féodales, sont bien ancrées. Ce mariage arrangé, avec un mari qu’elle ne connaît pas, l’a fait changer de statut social : de la pauvre fille de pêcheur – libre, joyeuse, habituée à une vie simple et proche de la nature – a une femme vivant dans le luxe d’une vaste demeure où elle est cloîtrée. On lui apprend les bons usages, elle a des servantes auxquelles elle n’ose pas donner des ordres, elle apprend peu à peu à devenir une maîtresse de maison, à se maquiller, se vêtir… Mais cette vie, en apparence facile, ne la rend pas heureuse. Son époux est de plus en plus souvent absent. Crédule, elle finit par comprendre qu’elle est une épouse, une femme parmi bien d’autres. Elle met au monde une petite fille et soudain son destin bascule. Elle finit par retourner dans son village où elle apprend que son mari a divorcé d’elle. Elle veut récupérer sa fille, en vain. Elle doit désormais vivre en un lieu où sont regroupées les femmes rejetées par leur mari. Un roman fort, celui « d’une vie volée », qui dénonce de façon cinglante l’organisation sociale indonésienne, particulièrement celle de Java.
Saman
AYU UTAMI (1998, éd. Flammarion 2008)
Ayu Utami, née en 1968 à Java Ouest, publie Saman, son premier roman, peu avant la fin du régime de Soeharto (1998). Elle a grandi à Jakarta où, après une maîtrise de Lettres, elle se lance dans le journalisme sous le régime militaire, une époque où la presse est contrôlée par « l’Association des Journalistes Indonésiens » (Persduatan Wartaman Indonésie, PWI). Ayu Utami ne tarde pas à militer pour la liberté de la presse et, après la suppression de trois médias importants, elle fonde, avec d’autres journalistes, l’Alliance des journalistes indépendants d’Indonésie (Aliansi Journalis Independen, AJI) dénoncée rapidement comme illégale. Depuis le retour à la démocratie, l’AJI fonctionne en toute légalité.
Saman est l’histoire de quatre jeunes filles qui se sont connues au lycée : Laïla, photographe, Cok chef d’entreprise catholique, Yasmin avocate mariée et catholique, et Shakuntala, bisexuelle, qui vit à New York grâce à une bourse d’études. Elles croisent à différents moments de leur vie un certain Wisanggeni alias Saman, enseignant et prêtre catholique, originaire de l’île de Sumatra. Ces personnages sont de confession catholique, un choix qui n’est pas anodin de la part de l’auteur dans un pays à majorité musulmane. On suit leurs destins croisés, les réalités qu’elles doivent affronter et qui touchent à plusieurs sujets sensibles (la sexualité féminine, la société patriarcale, la religion, la violation des droits, la justice, la corruption, l’exploitation des petits producteurs, des ouvriers, la déforestation etc.) Suite à un accident dramatique sur une plate-forme pétrolière, Laïla, Yasmin et Saman se battent pour que les responsables soient jugées. Mais soudain Saman disparaît… Un roman aux multiples facettes qui se passent sur trois décennies, de1960 à 1990, avec une liberté de ton, une prose vive et directe. Des portraits de jeunes Indonésiennes modernes.
« Saman » a reçu le Prix Claus en 2000, décerné par la Fondation Prince Claus créée en 1996. Cette fondation a comme objectif d’éveiller la conscience culturelle, de stimuler les échanges et le développement principalement en Afrique, en Asie et en Amérique latine : « La Culture est une Nécessité Fondamentale. La Fondation œuvre dans l’esprit du Prince Claus des Pays-Bas qui estimait que l’on ne développe pas les personnes, elles se développent par elles-mêmes. »
Recueillement
IWAN SIMATUPANG (éd. Pasar Malam, collection du Banian, 2010)
L’Association franco-indonésienne Pasar Malam, très active pour faire connaître les nombreuses facettes de l’Indonésie en France, a créé un service éditorial en 2010 et l’intérêt qu’elle porte à cet auteur indonésien atypique les a conduit à publier ce livre. L’histoire est déroutante. Un peintre de talent ne peut admettre la mort de sa femme. Profondément touché par sa disparition et son absence, il va peu à peu avoir des réactions étranges dans son comportement et avec son entourage. Il abandonne la peinture et il se dit prêt à accepter n’importe quel travail pourvu que celui-ci s’arrête avant le coucher du soleil et qu’il n’est aucun lien avec la mort. De retour chez lui, chaque soir il s’enivre, crie le nom de sa femme, appelle Dieu… Un jour le directeur du cimetière lui fait une curieuse proposition, il lui demande de repeindre les murs du cimetière. Il accepte et cet acte va le conduire à changer ses habitudes.
LÉGENDES
Le Kidung Sunda ou Geste de Sunda (XVIè siècle)
Le Kidung Sunda – Sunda est le nom d’une région de Java occidental – nous est connu grâce à une copie retrouvée à Bali. C’est l’histoire du roi Hayam Wuruk du royaume de Majapahit (XIII-XVé. siècles) qui s’apprête à épouser Citraresmi, la princesse Dyah Pitaloka, fille du roi de Sunda. Ce dernier conduit sa fille en grande cérémonie à Majarapit. La délégation s’arrête à Bubat, à proximité du fleuve Brantas, où elle a débarqué. Le roi Hayam Wuruk songe à aller à la rencontre de cette délégation pour célébrer le mariage, mais son ministre considère que le roi Sunda étant son vassal, il lui incombe de se rendre au palais. Sunda, offusqué, refuse. Des soldats viennent sur place pour le contraindre à laisser venir sa fille. Le roi campe sur ses positions ce qui déclenche une bataille et la garde de Sunda est massacrée. A l’idée d’être capturée la princesse affolée, décide de mettre fin à ses jours. Quand le roi Hayam Wuruk se rend sur les lieux, il est trop tard. Devant le corps de la princesse, il s’étend, et son propre corps, tel un linceul, la couvre. Le roi demande à mourir avec elle.
Les Kidung (Java et Bali)
Ce sont des longs poèmes, caractéristiques de la littérature javano-balinaise, qui évoquent le plus souvent les aventures de Panji, un prince de Java-Est, sans cesse à la recherche de sa bien-aimée.
CONTE
Le Poisson d’Or, Les Méchantes Sœurs et La Douce oubliée: Un mariage inattendu
Il était une fois sept sœurs qui vivaient dans l’île de Java. Six d’entre elles ne pensaient qu’à jouer de mauvais tours à la petite dernière, la septième, dite « Oubliée », appelée ainsi car toujours on l’oubliait. Ainsi elle ne mangeait quasiment rien car les sœurs se servaient de riz et ne pensaient même pas à lui laisser quelques grains. Elles se marient toutes, possèdent une maison, des buffles, des greniers remplis de riz etc. Oublié, elle, n’avait ni mari ni même un toit pour s’abriter. Les sœurs lui demandaient volontiers de travailler pour elle, sans le moindre scrupule. Quand toute la nuit, par exemple, elle pratiquait le battage du riz, les sœurs refusaient de lui donner une poignée de riz pour se nourrir.
Un jour elle rencontre un pêcheur qui vient d’attraper un poisson avec sa ligne. Il est si petit qu’Oubliée lui demande, si il peut lui donner, non pas pour le manger mais pour avoir un ami et aussi lui sauver la vie. Il accepte volontiers et, heureuse, Oubliée s’empresse de trouver une noix de coco qu’elle remplit d’eau pour y déposer son précieux présent.
Chaque jour elle le nourrit avec un peu de son maigre repas. Son poisson, qu’elle avait surnommé Leungli, un nom qui désigne une chose que rien ne peut remplacer, avait des écailles d’or qui scintillaient au soleil. Puis, devenu trop grand pour rester dans la noix de coco, elle décide de le lâcher dans un lac au milieu de la forêt. Mais elle ne l’abandonne pas pour autant, elle lui rend visite et elle avait inventé une chansonnette pour l’appeler sur le rivage :
Leungli, petit poisson, réponds à l’appel de ton nom…
Le poisson d’or arrivait, se laissait caresser et avalait son menu du jour. Les sœurs avaient eu vent de ce curieux poisson d’or et, devenu d’une belle taille, elle le capture pour le manger. Oubliée, découvrant l’assassinat, réussit à reprendre sa tête, seule partie que ses sœurs avaient jeté. Elle la lave, l’entoure d’un linge, la parfume et l’enterre. Tous les jours elle allait se recueillir et pleurait sur sa tombe, si bien que ses larmes arrosant la terre donnèrent naissance à un arbuste, dont les feuilles ressemblaient à des écailles de poissons, mais il s’agissait bien d’un arbuste extraordinaire car les feuilles étaient en or pur, les fleurs en argent et les fruits des pierres précieuses. Un jour, le roi cheminant dans la forêt s’arrêta fasciné devant l’arbuste. Il demanda à voir le ou la propriétaire. Oubliée se présenta et raconta toute l’histoire de Leungli et de ses horribles sœurs. Le roi fut tellement ému par la douceur et la pureté d’Oubliée qu’il tomba amoureux et voulut l’épouser. C’est ainsi que cette petite fille si mal aimée, devint reine. Mais elle était si bonne qu’elle pardonna à ses sœurs de lui avoir fait tant de mal.
POÉSIE
MUHAMMAD YAMIN (1922)
Ma Patrie
Si je vous cite ce long poème de Muhammad Yamin (1903-1962), d’inspiration romantique avec des accents nationalistes, c’est parce qu’il est considéré comme la première oeuvre écrite en langue nationale, influencé par la poésie occidentale. Ce n’est pas à proprement parlé un poème d’amour, le poète contemple, depuis le sommet de son pays natal, le Minangkabau, situé dans un écrin de montagnes à l’ouest de Sumatra, et célèbre avec lyrisme les beautés de la nature, des rizières en terrasse, des lacs…
Le Chant à quatre mains. Pantouns et autres poèmes d’amour
Traduction par GEORGES VOISSET (éd. Pasar Malam Afipm, 2010, bilingue français/indonésien)
Ce recueil (malheureusement épuisé) vous permettra de découvrir l’un des aspects de la diversité de la littérature de cet immense archipel qu’est l’Indonésie. Georges Voisset, critique littéraire, essayiste et traducteur, a fait un choix de plus de cent cinquante poèmes qui se rattachent à un genre particulier, le pantoun, une forme poétique d’origine malaise. Rappelons que le malais est parlé dans de nombreux pays d’Asie du Sud-Est. Issus de l’oralité, ils sont d’une grande singularité comme les haïku.
A propos de cet ouvrage, je me permets d’ouvrir une parenthèse sur la poésie française. Vous serez probablement étonné d’apprendre que le pantoun a donné naissance à une forme poétique en France où s’élaborent la forme et les règles. C’est à travers notre langue que le pantoum (avec un m, erreur de traduction française à l’origine) va connaître sa plus large diffusion (Victor Hugo, Théophile Gautier, Théodore de Banville, Leconte de Lisle, Baudelaire…), qui correspond aussi à un engouement des romantiques pour l’Orient au XIXè siècle. C’est le poème Harmonie du soir de Charles Baudelaire qui est devenu la référence du pantoun en France. Poème à forme fixe, composé de quatrains à rimes croisées, dont le deuxième et le quatrième vers répètent les premier et troisième vers du quatrain suivant ; le dernier vers de la pièce répète le premier.
Ce recueil bilingue offre l’occasion de découvrir des pantouns où l’amour tient une place de choix.
AMIR HAMZAH (1911-1946)
Poète apparenté à la famille du Sultan de Langkat, dont il épousa la fille en 1938, mais quelques années plus tard, au cours des troubles sociaux qui éclatent dans le Nord-Est de Sumatra, il est fusillé. Il n’avait que 35 ans !
Le courant m’emporte
Le courant m’emporte, ô mon aimée !
Le courant m’emporte !
Tends-moi la main, aide-moi.
Tout est désolé autour de moi.
Pas une voix aimante, pas de brise rafraîchissante, pas d’eau apaisant la soif.
Altéré de ton amour, assoiffé de tes murmures, je me meurs de ton silence.
Le ciel m’oppresse, l’eau me glisse entre les doigts, je m’enfonce.
Je me noie dans la nuit,
L’eau au-dessus, pèse sur moi,
La terre en bas me repousse.
Je me meurs, ô mon aimée, je me meurs !
Kadawesi, déesse du désir
Te voilà de nouveau revenue
Vers moi, en ce moment présent,
Alors que je suis le jouet des vagues
Des vagues qui se brisent sur les fleurs de corail.
Voici longtemps que je t’avais oubliée,
Que tu étais sortie de mon souvenir,
Que tu avais disparu de mon regard.
Mais maintenant, quelle est la cause
Quelle est la raison ô mère,
Qu’elle revienne s’infiltrer en moi ?
Tu égares les cœurs calmes
Tu troubles l’eau tranquille
Tu réveilles la déesse de l’Amour
Tu fais couler les larmes…
O Asmara, tu te joues de moi,
Tu murmures un chant d’amour
Tu bas le rythme du souvenir,
Tu me tires de l’oubli où j’étais !
Quelle louange veux-tu donc,
Quel culte désires-tu
O avide déesse de l’amour ?
Je t’ai sacrifié mon rire,
Tu as déjà brisé mon amour,
Qu’espères-tu donc de plus, ô déesse
De moi qui suis plongé dans la douleur…
Kamadewi ! Ta chevelure est garnie de lots bleus
Tu reposes sur un coussin de lotus
Alors que je suis interminablement
Assis sur un tapis de douleur !
Kamadewi ! Ne vas-tu pas me demander ma vie ?
Je te mets une branche fleuri derrière l’oreille
Je t’honore, je te loue, je te contemple
Mon cœur chante come une flûte
Je crois cette fois pouvoir goûter un bonheur.
Dans mon cœur je te construis un palais,
Je te mets un trône d’or,
Je jonche le sol de fleurs de frangipanier
En guise de tapis pour que descende ma déesse…
Mais tu es une personne ordinaire
Il ne sert à rien de languir
Tu as constamment honte car je suis
Étrange, isolé, attaché au passé.
Extrait de 102 poèmes indonésiens 1925-1950 (tra. Louis-Charles Damais (éd. Maisonneuve, 1965)